Meriem Bouderbala

COMMISSAIRE TUNISIEN

Ma double origine et ma double culture française et tunisienne ont toujours influencé mon travail de plasticienne. L’une et l’autre ont suscité les gestes, les repentirs, les décisions qui ont entraîné mes œuvres vers un " devenir minoritaire*". Ni du Nord ni du Sud, ni d’ici ni de là-bas, mais d’un ailleurs à la marge de l’édification de l’art mondialisé. De la rencontre avec Sophie Revault est né le projet que mon " devenir minoritaire " en rencontre d’autres pour faire alors jurisprudence.
Les artistes de la rive sud de la Méditerranée ne peuvent avoir pour seule alternative l’acquiescement au discours dominant du marché de l’art ou la quête de retrouvailles impossibles avec la tradition. Leur fécondité est neuve, hésitante peut-être pour les plus jeunes d’entre eux, et les concepts manquent encore pour faire école, courant ou contre-point politique. Il faut dès lors multiplier les rencontres et les confrontations. Il faut permettre au regard de s’ouvrir à la multiplicité des " devenir minoritaire " dans les pays dits du Sud. Le monde piétine aujourd’hui les œuvres qu’il a engendrées, les musées n’en sont même plus les refuges imprenables. Avant que le patrimoine ne s’efface sous le sable des inconséquences contemporaines, il faut donner le temps de s’affirmer à un art des Sud qui ne se contente pas d’alimenter le crédit retrouvé des expositions coloniales d’antan.
Ce serait un art des liens et des télescopages entre les rives et les cultures, un art des correspondances entre le geste codifié de l’artisan et les ressources inédites de la technologie contemporaine, un art de l’harmonique des lieux et des climats. Une exposition est une proposition qui a ses limites dans le temps et l’espace mais parfois quelque chose d’infime et d’invisible en excède les frontières et sa trace fragile témoigne du fait que le monde n’est pas à l’abandon. Je voudrais que les Rencontres d’Art Contemporain de la Médina participent de cet appel impérieux à un art des " devenir minoritaire" et des situations. Ni réconciliation ni travail de civilisation sans l’âpre combat des formes. Avant qu’il ne soit trop tard, avant que les mots de l’art institutionnel n’aient emporté dans leur usure tout désir d’art, il faut se risquer à secouer les usages, il faut s’autoriser à donner droit de cité à l’incongru, à la stupeur, à l’éveil.

Meriem Bouderbala, Tunis 2003

* C'est une formule, et même un concept, de Gilles Deleuze
qui indique non pas la mise à l'écart, la marginalisation mais au contraire la FORCE contenue dans le minoritaire ou, pour être plus précis, la PUISSANCE latente et souterraine de transformation et d'ébranlement du mouvement volontaire vers un "devenir minoritaire".
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" "étoffes cutanées "
texte de Yannick Francois
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